Ma vie avec une IMC à l’épreuve du temps ! Marie-Line Denis témoigne sur le vieillissement précoce
jeudi 5 juillet 2012

Marie-Line Denis est intervenue dans le cadre des Journées d’études 2010 : « Polyhandicap et IMC - Comprendre, soigner et accompagner le vieillissement. »

Les 25 et 26 novembre 2010 à l’hôpital Européen Georges Pompidou à Paris.

- Le programme de ces journées

(Ce témoignage a été recueilli lors du colloque et reformulé avec APF Écoute Infos et Marie-Line Denis).

Le compte-rendu de ces journées est sur le site de l’AP-HP].

ou ici

Le témoignage de Marie-Line se trouve à la page 19.


« Ma vie avec une IMC à l’épreuve du temps »

Je m’appelle Marie Line Denis, j’ai 43 ans, je suis bénévole à L’APF depuis douze ans, conseillère départementale en Seine St Denis.
Je suis atteinte d’IMC, syndrome de Little (90% de mon handicap se trouve au niveau du bas du corps), je suis née à 6 mois et demi, pesant 920 grammes, ma jumelle n’a pas survécue à l’accouchement.

J’ai passé mon enfance dans des écoles spécialisées jusqu’à l’âge adulte avec comme soutien de la rééducation physique 3 fois par semaine et de la natation avec l’association Handisport en compétition. J’avais 3 entrainements par semaine et je faisais 2 km chaque fois. J’ai participé à de nombreuses compétitions de natation entre 11 ans et 19 ans.

J’ai été hospitalisée à de nombreuses reprises dans le but d’améliorer mon état. En particulier pour ôter le corset qui me permettait de marcher, je ne le supportais plus psychologiquement et refusais de continuer à le porter, j’avais 15 ans. Ainsi, afin de me permettre de marcher sans corset et avec un déambulateur plusieurs opérations ont été effectuées aux hanches, genoux et (flexums des genoux).

Arrivée à l’âge de 20 ans, les médecins m’ont dit que mon état était stable et que je pouvais mener la vie que je voulais, ce que j’ai fait. Je me suis mariée avec une personne valide, j’ai eu 2 enfants avec des grossesses sans problème juste des césariennes, j’ai travaillé, j’ai mené une vie en dehors du handicap, des voyages, etc.

A l’âge de 32 ans, ma vie a changé, j’ai divorcé et je me suis retrouvée complètement seule à vivre à mon domicile et donc obligée d’avoir recours à une auxiliaire de vie. Pour obtenir ce droit, j’ai été obligée d’aller en voie de recours jusqu’au procès.
A l’époque il n’y avait pas d’aide à la parentalité et au handicap, j’ai dû laisser mes enfants à mon mari à cause de mon état…

Après avoir été une battante, une personne particulièrement indépendante, je me retrouve à souffrir de douleurs et à commencer à avoir besoin d’aide.
A 36 ans je souffre des cervicales suite à de nombreuses chutes en fauteuil dues à une accessibilité quasi nulle de la ville où j’habitais. Après 2 années de douleurs, on a découvert que j’avais de l’arthrose cervicale précoce avec des becs de perroquet et des lésions à chaque vertèbre. Le fauteuil électrique a donc fait son apparition pour les sorties ainsi que la confirmation de deux heures quotidiennes d’auxiliaire de vie.

A l’âge de 38 ans : Une spirale s’installe : douleurs, dépendance, peur de l’avenir, solitude…

Difficulté à maintenir un lien social, vu que je pouvais moins sortir de chez moi et que je devenais de plus en plus dépendante et obligée de demander de l’aide.

Difficulté à la relation avec la solitude car je n’y étais pas du tout habituée.

Peur de l’avenir, car les médecins ne pouvaient me dire avec un pronostic sur 10 ans si mon état allait se stabiliser ou continuer à s’aggraver.

J’ai eu ma première crise de névralgie cervico-brachiale durant un séjour de vacances mais comme j’avais payé pour des activités, j’ai continué ces activités car je suis une battante….

Et je l’ai payé !!!

Crises à répétition tous les trois mois, arrêt de certains gestes de la vie quotidienne, changement de vie total, obligation d’utiliser un fauteuil électrique à l’extérieur, obligation d’instaurer de nombreuses plages de repos, de mettre en place un traitement anti- arthrosique. Plus de vacances non accompagnées, à ce jour, je ne trouve pas de solutions qui me conviennent complètement.

En janvier 2010, j’ai été dans l’obligation de demander plus d’heures d’auxiliaire de vie et j’ai donc dû de nouveau aller en voie de recours pour obtenir une heure de plus par jour. Il a fallut aussi aménager mon poste informatique, acheter une dictée vocale, la délégation APF m’a aidée dans ces démarches.

Pour mon activité de bénévole au sein de l’APF, j’ai été obligée de changer de rythme et de m’imposer à moi-même et aux autres des limites.

En conclusion, je souhaite que les médecins qui suivent les jeunes atteints d’une IMC et qui leurs disent que leur état est stable puissent les informer rapidement que cet état stable ne va pas durer et qu’ils apprennent ainsi dans leur très jeune âge à écouter leur corps à écouter leurs douleurs et à écouter le corps médical qui leur dit parfois de ralentir. Parce que lorsqu’un « effet rebond » est là, c’est trop tard.

Les personnes IMC sont en général des personnes très speed, toutes des battantes et on a du mal à accepter de ralentir et de vivre plus doucement.
Les médecins il y a quelques années nous disaient que tout allait bien, donc on écoutait et on faisait tout ce que l’on voulait. He bien après 10 ans « l’effet rebond » est là et c’est très difficile à vivre psychologiquement.

J’aurais apprécié que l’on me dise à l’âge de 20 ans
« Ton état est stable, tu vas pouvoir faire tout ce que tu veux, mais les jours où tu te sens fatiguée, les jours où tu as mal, écoute-toi et arrête-toi ! »

Ce n’est pas ce que j’ai fait et voilà !!!


Et aussi :

Marie-Line s’exprime sur le thème "Vie affective, vie sexuelle" au travers de 6 vidéos.