Une cordée… C’est un groupe de personnes qui discute par un échange de courrier ou sur un forum, sur une thématique de leur choix.
Journée régionale APF sur l’Infirmité Motrice Cérébrale (Chartres/Champhol) du 15 mai 2009.
A lire : Le compte rendu complet en pdf (49 pages)
Table ronde
« Bousculer les représentations pour réussir l’insertion »
Animation : Catherine Deschamps - Membre du groupe éthique APF
Thème 1 : Évaluer les situations, orienter, comment s’y prendre ?
Le Dr Anne MARSAULT présente l’évaluation réalisée par la MDPH d’Eure-et-Loir.
Par rapport au temps de la COTOREP, dont l’approche correspondait à la loi de 75, la loi de 2005 a apporté une nouvelle approche dans le handicap, avec l’introduction de nouvelles valeurs : le projet de vie des personnes, le besoin de compensation, le souhait de la personne handicapée, l’approche globale. La saisine de la MDPH doit permettre d’aborder la personne dans son ensemble et que l’échange entre la personne et l’équipe pluridisciplinaire permette d’apprécier les besoins de compensation et de découvrir des demandes non formulées par la personne, qui n’est pas forcément au courant de ses droits. Les techniciens du handicap ont eux-mêmes, parfois, du mal à suivre les évolutions législatives de ces dernières années.
La loi de 2005 donne une définition qui a révolutionné l’approche du handicap. Cette définition est très différente de celle donnée par la loi de 1975, qui présentait une vision très médicale de la question.
« Constitue un handicap… toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. » Art. L. 114 (CASF).
Les décrets d’application de la loi de 2005 sont parus relativement tard. Les textes sur le guide d’évaluation n’ont été publiés qu’un an auparavant. Il existe donc la théorie et la pratique. L’objectif de la MDPH est de bien connaître les éléments théoriques pour parvenir à se fixer dans l’état d’esprit de la loi de 2005. La réalisation de cet objectif prendra du temps.
La vie de tout un chacun est une spirale, avec des moments difficiles et d’autres où les choses vont mieux. Le zoom sur cette spirale correspond à une image en instantané qu’une équipe pluridisciplinaire peut avoir de la situation d’une personne. Cette situation peut varier d’un moment à l’autre et les demandes seront peut-être toutes autres un an plus tard. Il appartient aux professionnels de la MDPH de suivre au plus près ce cours de la vie où les besoins varient.
Norbert LEVEQUE, membre de la CDAPH de l’Eure, explique le principe CNSA et apporte son expérience.
Anne MARSAULT constate la difficulté de rédiger un projet de vie. Dans les échanges, il peut être préférable de s’orienter vers l’expression des besoins. Personne n’est interrogé sur son projet de vie, de façon générale. Il n’est donc pas indispensable pour les personnes handicapées d’être confrontées à une page blanche et de devoir définir le leur. Par contre, la capacité à formuler des besoins est une aide pour l’équipe pluridisciplinaire. Elle permet de voir les propositions qu’elle peut faire pour aller dans le sens du projet de vie de la personne.
L’équipe pluridisciplinaire s’applique à ce que les temps d’échange avec la personne permettent de faire émerger des éléments de projet de vie valorisables. Les notes de la personne sur une feuille blanche reflètent parfois des interrogations profondes mais compliquées.
La personne handicapée formule un projet de vie et exprime ses attentes, ses demandes et ses besoins à la MDPH. La MDPH procède à une évaluation, par des échanges avec les équipes de professionnels, la personne et son entourage. De nombreux échanges ont lieu entre la personne et l’équipe pluridisciplinaire, en utilisant un outil GEVA.
La CNSA a mis en place un outil de 40 pages, le GEVA (guide d’évaluation), qui aborde toutes les facettes de la vie quotidienne. A partir de ce document d’évaluation, l’équipe pluridisciplinaire peut élaborer une proposition de projet personnalisé de compensation (PPC). Elle présente cette proposition à la personne, qui émet ses observations. A partir de ces observations, le dossier passe en CDA plénière. La personne peut être reçue par cette commission départementale qui prend la décision. Par le biais de la MDPH, la décision est notifiée à la personne par écrit. Ce circuit théorique de toutes les demandes correspond aux recommandations de la loi de 2005.
Le volet théorique du GEVA correspond aux coordonnées de la personne. Le volet familial, social et budgétaire correspond aux ressources de la personne, aux droits auxquels elle peut prétendre, à son entourage familial. Les autres volets sont : le volet psychologique, le volet médical, le volet habitat et cadre de vie pour les aménagements de logements et les aides techniques, le volet parcours de formation, le volet parcours professionnel, le volet activité, capacités fonctionnelles, qui est le volet principal. Quand tous les volets ont été remplis, l’équipe devrait très bien connaître la personne et pouvoir ajuster les propositions.
Cette évaluation est aussi un temps d’échange. Elle consiste en de nombreux échanges téléphoniques, réguliers, qui nourrissent l’information sur la personne.
Le GEVA n’est pas statique. La difficulté est son nombre de pages importants. Le GEVA est l’outil réglementaire, qui devrait être utilisé pour toutes les évaluations à la MDPH, ce qui n’est pas le cas. Actuellement, il est principalement utilisé pour les demandes de prestations de compensation du handicap, après la dévaluation des travailleurs sociaux, de l’ergothérapeute et du médecin.
Norbert LEVEQUE indique la nécessité de recenser les besoins de la personne.
Anne MARSAULT souligne que la phase d’évaluation doit être une phase d’échange pour que la MDPH puisse établir les propositions les plus en accord avec les besoins de la personne. Tout le monde peut avoir un projet de vie. Même risqué, il sera entendu et évalué et pourra susciter des discussions dans les CDAPH.
Le diagramme présenté reprend la notion de projet de vie, d’inspiration et de besoin, en ajoutant la notion de critères réglementaires. Les règles et lois encadrent les projets avec des grilles d’éligibilité. La MDPH doit faire appliquer la loi et, dans certaines situations, elle ne peut pas répondre pour des questions d’éligibilité.
Norbert LEVEQUE donne deux exemples et revient sur la notion du risque. La Commission peut ne pas être très enthousiaste pour rendre un avis favorable parce qu’il existe un risque important. Toutefois, qui ne prend pas de risque ?
Anne MARSAULT remarque que, concernant le quad, les limites de la réglementation sont atteintes. Une liste d’aides techniques sont référencées et il est probable que le quad n’en fasse pas partie même s’il peut faire partie du projet de la personne. Il appartient aux associations de faire remonter que les activités sportives de loisirs peuvent aussi être ouvertes aux personnes en situation de handicap et, ensuite, de faire en sorte qu’elles puissent en bénéficier.
Norbert LEVEQUE demande une information des membres de la Commission.
Anne MARSAULT commente que la MDPH a déjà été confrontée à ce genre de discussion, par rapport à des outils comme la synthèse vocale. Le travail d’évaluation et de rapport des propositions à la CDAPH chargée de prendre la décision pourrait comprendre cet éclairage technique pour que les membres de la CDAPH puissent prendre une décision éclairée. Il serait dommage de refuser ces outils simplement parce qu’ils sont mal connus.
En pratique, le fonctionnement de la MDPH d’Eure-et-Loir comprend :
Son domaine d’activité concerne toutes les demandes. Environ 10 000 demandes pour l’année 2008, qui recouvrent 6 500 personnes, sont passées par ce noyau d’évaluation.
A court et moyen terme (à moyen constant), le défi est d’améliorer le « qualitatif » de l’évaluation en maintenant le « quantitatif » (délais d’instruction) :
L’évaluation idéale pour toutes les personnes en situation de handicap est encore loin, bien qu’un peu plus proche chaque jour. Un travail reste à faire pour mettre complètement en œuvre la loi de 2005 et la MDPH s’y atèle au quotidien.
Norbert LEVEQUE remarque que la CDAPH de l’Eure n’utilise pas encore le GEVA mais est en voie de le faire. De nombreux problèmes existent par rapport aux familles qui ont du mal à voir la situation de l’enfant.
Catherine DESCHAMPS remarque que ces deux interventions soulignent bien le travail restant à faire, dans le cadre même de l’application de la loi, les problèmes de moyens et le besoin d’assouplissement de certaines mesures existantes.